Pépinière de Casabianda. 60000 godets en place. (Clichés Boulley.) Eucalyptus globulus
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Pépinière de Casabianda. 60000 godets en place. (Clichés Boulley.) Eucalyptus globulus
Pépinière de Casabianda. 60000 godets en place. Pépinière de Casabianda. Eucalyptus globulus en végétation. (Clichés Boulley.) kHVÜii FOKÉStlEKE FkAKçAtsk áá5 ESSAIS EN CORSE DUNE CULTURE INDUSTRIELLE DE L'EUCALYPTUS La mise en valeur de la plaine orientale corse figure depuis longtemps dans les plans de modernisation et d'équipement de ce département. L'Administration des Eaux et Forêts pour sa part, a déjà participé de façon active à l'effort entrepris, par des plantations importantes d'eucalyptus, dont les produits devront permettre l'implantation d'une industrie utilisatrice : papeterie ou usine de fibre textile artificielle. * Pour le lecteur ignorant du pays, il est peut-être utile de rappeler ici que la région de l'île dite plaine orientale, s'étend sur ioo km clu Nord au Sud, de Bastia à la rivière Solenzara, sur une largeur atteignant au plus 6 km dans la partie Nord et 15 km dans la partie Sud. Ce n'est qu'au Sud de Cervione que, le massif schisteux de la Castagniccia ayant disparu, la plaine prend tout son développement et son véritable caractère. La partie Nord en effet, proche du centre principal de l'île qu'est Bastia, et constituée de terrains relativement fertiles, semble bien avoir une vocation essentiellement agricole. Avant ainsi éliminé en grande partie le Nord de la plaine, il reste quand même une surface d'environ 50 000 ha qui, pour le moment tout au moins, ne présente qu'un intérêt économique des plus réduit. ΤΙ ν a certes quelques domaines où des dizaines, et même des centaines d'ha, sont cultivités ou portent des prairies (Pénitencier agricole de Casabianda, domaine de la F.O.R.T.E.F., etc..) mais ils sont très rares ; il y a quelques vignobles ; il y a quelques forêts de chênes-lièges ravagées plus ou moins par l'incendie. Mais l'essentiel, le vrai visage de la plaine c'est le maquis, avec ses différents faciès selon qu'il a été plus ou moins brûlé souvent, selon qu'il est assis sur des sols plus ou moins riches. On trouve ainsi des maquis impénétrables de 4 à 6 m de haut, et des maquis très bas que Fœil domine et où l'on peut circuler. 336 REVUE FORESTIERE FRANÇAISE La côte, quasi rectiligne, est une plage ininterrompue, certainement bordée tout au long jadis d'une pinède de pins maritimes dont il reste quelques vestiges. De vastes étangs littoraux, des marécages très fréquentés par le gibier d'eau la jalonnent, car les rivières descendues de la montagne n'ont plus assez de force pour déboucher franchement daris la mer. La tradition prétend que cette région était un des greniers de Rome et la triste bourgade d'Aleriâ fut, paraît-il, jadis une capitale' prospère. Nous pensons quant à nous que si Rome n'avait eu que des greniers de ce genre, elle aurait risqué d'être bien mal nourrie. Ni le sol ni le climat ne nous semblent propices à des cultures intensives. Cela est si vrai qu'au domaine de Casabianda, bien cultivé, où ni les engrais ni les moyens modernes ne font défaut, les rendements en céréales, ne sont que de 12 quintaux à l'hectare. A l'exception des rares fonds de vallées sur alluvions modernes fertiles, nous ne pensons pas que la plaine orientale corse puisse aligner des productions agricoles bien rentables vis-à-vis du reste de la France, sauf pour la vigne, certains arbres fruitiers et peut-être des formes particulières d'élevage. La culture forestière semblait donc à priori très indiquée pour de très grandes surfaces de ce pays. Le chêne-liège vient naturellement, on l'a dit. Il résiste au feu, mais sa croissance est lente et de nos jours on aime voir pousser les arbres comme champignons après la pluie. L'eucalyptus fut donc essayé. L'arbre n'était pas en Corse une nouveauté. Si nous manquons de renseignements sur un passé plus lointain, nous savons qu'il fut largement utilisé dans le dernier quart du xix e siècle où l'on espérait qu'il contribuerait à lutter contre la malaria, suivant en cela l'exemple d'essais tentés aux environs de Rome (Tre-Fontane). Il en fut ainsi planté un peu partout, en particulier le long des canaux d'assainissement de la plaine, au bord des routes, etc.. Beaucoup de ces vieux eucalyptus se voient encore, certains sont énormes. La variété la plus utilisée fut Eucalyptus globulus, puis Eucalyptus camaldulensis et d'autres variétés en beaucoup plus petit nombre. * ** Les essais actuels débutèrent en 1951, et s'inspirèrent largement des techniques employées déjà avec succès en Afrique du Nord, surtout au Maroc. Ils bénéficièrent des connaissances acquises et des expériences faites dans ces régions par les forestiers français. Le service forestier local a essayé d'adapter au mieux, à des conditions à la vérité assez originales et différentes de celles de l'Afrique du Nord, la culture de cette espèce intéressante à plus d'un titre. On s'est déjà rendu compte, depuis le début des essais,, qu'il est CULTURE INDUSTRIELLE DE L'EUCALYPTUS EN CORSE 337 très probable que c'est seulement dans la plaine orientale que l'eucalyptus pourra donner en Corse des résultats vraiment rentables. Ailleurs le pays est trop accidenté, sauf exceptions, pour pouvoir se prêter à une culture totale du sol que l'eucalyptus exige pour atteindre un développement rapide qui fait son principal intérêt. Sans être pour autant abandonnés ailleurs, les essais ont donc plus spécialement été concentrés dans la plaine orientale. Deux pépinières permanentes entretenues grâce aux subsides du F.F.N. ont été créées. Actuellement, elles peuvent produire annuellement 250000 eucalyptus élevés dans des pots à fleur en terre cuite de io cm de diamètre (contrairement à ce que l'on pourrait croire, il s'en casse fort peu). La plupart des graines des variétés les plus courantes sont maintenant récoltées sur place. Dans quatre places d'expériences, de près de 50 ha au total, on s'est attaché, sous l'égide de la Station de Recherches de l'Ecole Nationale des Eaux et Forêts, à étudier le comportement de différentes variétés, l'influence du mode de plantation, de l'écartement, des façons d'entretien, etc.. dans des conditions se rapprochant déjà des conditions d'utilisation en grand. Après quelques tâtonnements, on est passé très rapidement à un stade qui est déjà celui de la culture industrielle. Des contrats importants ont été conclus avec des particuliers et des communes. Un premier contrat de 80 hectares a été mené à bonne fin. Un autre de 530 ha est en cours d'exécution. Actuellement, au I er janvier 1956, 200 ha environ d'eucalyptus ont été plantés sous contrat. La végétation est partout bonne, ou très bonne. Ce n'est qu'un début, puisque le but ambitieux de l'Administration est d'arriver aux quelque 20 000 ha nécessaires à l'alimentation d'une limine importante. C'est dire que la cadence actuelle devrait être encore beaucoup accélérée. Mais par prudence, l'Administration désire être encore plus sûre du succès pour accélérer le rythme des plantations. 3 ou 4 ans seront nécessaires pour se rendre compte surtout si le taux d'accroissement des peuplements est suffisant. * ** Il n'est pas dans notre intention ici de décrire en détail les techniques employées, puisqu'aussi bien elles l'ont déjà été par des auteurs qualifiés. Nous voulons simplement donner un aperçu de l'état actuel de la question sur le plan local. Les travaux sont conduits de la façon suivante: Le terrain, couvert de maquis, est préparé en plein. Le maquis est recépé au bulldozer et incinéré ; puis les souches très abondantes sont extraites par deux passages croisés de rooter qui ameublit en même temps le sol. 33§ REVUE FORESTIERE FRANÇAISE A cause du bétail errant, tous les terrains doivent être clôturés à 5 rangs de barbelés. Les eucalyptus semés en godets en avril-mai sont prêts en octobre. Ils ont alors généralement de 30 à 50 cm. Dès qu'il a assez plu, on plante, à écartement 3.111 X 3 m — soit environ 1 100 plants à l'ha — en stricts alignements. Il est ménagé autour des terrains une bande pare feu d'au moins 20 m de large qui sera entretenue à sol nu. Les plants sont extraits en motte du godet seulement au moment où ils sont plantés ; la reprise de cette façon atteint couramment 90 % et plus. Les deux années suivantes il est procédé à des binages aux engins mécaniques (disques) de façon à ameublir, détruire les repousses du maquis et éviter l'êvaporation. Deux binages croisés par an semblent nécessaires. De cette façon l'eucalyptus se développe très vigoureusement et des hauteurs de 2 m, pendant Tannée suivant la plantation, ont pu être obtenues dans les meilleures conditions. Partout la plante a manifesté une grande vitalité, une très bonne résistance à la sécheresse. Les froids de cet hiver exceptionnel, qui ont atteint —6° —8° ont été peu préjudiciables aux plantations d'un an ou plus. Ils ont causé quelques dégâts aux plantations qui venaient d'être faites. Mais de. tels froids enCorse sont tout à fait exceptionnels : c'est ainsi que des orangers plantés avant l'annexion ck l'île à la France ont été détruits cette année ! Les variétés les plus utilisées actuellement sont : Eucalyptus cainal(tuleiisis très rustique, Eucalytus globulus qui se développe le plus rapidement mais en terrains un peu plus frais, Eucalyptus vimhialis dont la résistance au froid est assez marquée. De nombreuses autres espèces (Eucalyptus yompliocephala. cladocalyx, cornuta, sidcroxylon, clacopJwra) sont aussi en cours d'expérimentation. Le prix de revient d'un plant en pépinière est actuellement de 10 à 15 francs, compte tenu de l'amortissement du matériel. C'est donc une dépense importante, mais ces plants sont vendus à ce prix aux adjudicataires des contrats, donc le F.F.N. récupère immédiatement son argent. Le prix de revient de la plantation comporte les éléments suivants : La préparation complète du sol décrite plus haut est obtenue pour des prix de l'ordre de 30 à 40000 F l'ha, s'y ajoute la clôture qui coûte environ 200 F le mètre linéaire (d'où l'intérêt des grandes parcelles ayant relativement un plus faible périmètre). La plantation elle-même revient à environ 30000 F Tha. Ensuite chaque travail d'entretien coût environ 5 000 F l'ha. Il s'agit donc là de travaux assez onéreux, qui ont déjà nécessité (le la part du F.F,N, un effort important, CULTURE INDUSTRIELLE DE L'EUCALYPTUS EN CORSE 339 Pour le moment, la réussite semble devoir récompenser cet effort, dans un avenir assez rapproché, puisque les eucalyptus produits doivent être coupés vers leur douzième année pour fournir des rondins de bois d'industrie. Cette essence rejetant vigoureusement, et même drageonnant et se régénérant (en Corse) naturellement, la pérennité des peuplements doit être assurée. ~ Quel est l'avenir de ces. plantations ? Il dépendra essentiellement de la possibilité d'établir la surface boisée suffisante (20000 ha au moins) pour que l'usine projetée, à laquelle des groupements industriels s'intéressent beaucoup, puisse fonctionner régulièrement. Nous estimons personnellement que cette possibilité existe. Une fois la réussite et la rapidité suffisante de croissance des boisements démontrée —- et ce doit être à bref délai — le rythme de plantation devra s'accroître pour arriver à la surface indiquée en une dizaine d'années. Il y aura lieu de procéder d'ici là avec les autres services, à une étude de répartition des terres de la plaine, de façon à ne garder pour la culture forestière que les terrains ne pouvant être utilisés par l'agriculture. Peut-être sera-t-il possible aussi de gagner un peu en hauteur sur les premières pentes des collines riveraines. Si le but poursuivi peut être atteint, et nous espérons bien qu'il le sera, le F.F.N. aura largement participé à la mise en valeur d'une région jusqu'ici particulièrement déshéritée. P. BOULLEY. Quinzaine de la Forêt et du Bois HAGUENAU 28 juin - 8 juillet 195$