Initiation à la météorologie pour des enseignants en Île-de-France ation Éduc
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Initiation à la météorologie pour des enseignants en Île-de-France ation Éduc
Éducation 62 La Météorologie - n° 36 - février 2002 Initiation à la météorologie pour des enseignants en Île-de-France Yves Corboz(1) et José Chevalier(2) (1) Collège Jules-Ferry Impasse Madeleine 95600 Eaubonne (2) Météo-France Centre départemental de la météorologie du Val-d’Oise Roissy aéroport annexe 1 BP 20222 95712 Roissy Résumé Cet article décrit les motivations et le contenu d’un stage d’initiation à la météorologie pour des enseignants au collège. Le stage est animé en tandem par un professeur de physique et un météorologiste professionnel. Abstract An introductory course in meteorology for secondary school teachers in the Paris area This paper describes the motivations and the content of an introductory course in meteorology for secondary school teachers. The course is led in tandem by a physics teacher and a professional meteorologist. Le contexte Page d’accueil de la rubrique « météorologie » sur le site Internet Educnet à l’adresse [www.educnet.education.fr/meteo/] Au collège, le programme scolaire de physique aborde : • En cinquième, une introduction aux circuits électriques, l’eau et son cycle, la notion de solution aqueuse, la notion de molécule, l’air, le dioxygène, les combustions, les premières connaissances sur le pH. Un travail de synthèse doit être réalisé autour du thème de l’environnement. • En quatrième, les sources et la propagation de la lumière, les modèles du système solaire, les illusions d’optique et les « trahisons » du cerveau, un montage avec un photocomposant, l’intensité et la tension d’un courant. • En troisième, pour quelques matériaux, les propriétés physiques et le comportement chimique avec l’environnement, des notions de mécanique, dont les mouvements et les forces. La Météorologie - n° 36 - février 2002 63 En outre, des activités coordonnées entre différentes disciplines doivent accompagner les travaux de synthèse. À l’évidence, la météorologie est, tantôt l’illustration idéale du cours, tantôt un support captivant pour l’acquisition des connaissances. Du côté des élèves, les réactions d’un groupe à une série de questions de météorologie permet de situer les enjeux. Qu’est-ce qu’un orage ? « Des nuages qui se cognent ! » Ah oui ! Et pourquoi ? (Haussement d’épaules et réponse condescendante) « Vous n’avez pas entendu le bruit ! » Pourquoi la pluie ? « Les nuages débordent. » D’où viennent les nuages ? « De la mer », « c’est le vent qui les pousse », « mais non, c’est de l’eau qui s’évapore ! » Où va l’eau évaporée ? « Au plafond », « Il faut mettre une chaise sur une table pour voir », lance un autre... Les questions et les propositions de réponses sont celles d’élèves de CM2 lors d’une première rencontre. Il y avait eu la veille un violent orage. Yves Corboz et ses élèves du club météo-sciences lors de la deuxième rencontre Météo Jeunes, à Trappes, en mai 2000. (Photo Météo-France, P. Taburet) Chez les collégiens, la nature des interrogations évolue et fait souvent référence à ce qui est étudié en physique, en géographie et dans les autres disciplines. « Pourquoi fait-il froid en altitude alors que nous nous rapprochons du Soleil ? » (élève de quatrième, classe où lumière et climatologie sont rencontrées). Après avoir précisé ce qu’il fallait entendre par froid (diminution de la température avec l’altitude), par altitude (montagne, haute montagne, là où vont les gros avions), la recherche d’une réponse conduira au moins à trois manipulations : • Évolution de la température d’une surface éclairée, puis privée de lumière. Si la journée est ensoleillée, des prises de température de l’air au ras du sol puis de plus en plus haut, le capteur étant à l’abri du rayonnement direct, peuvent constituer un bon complément. C’est peut-être l’occasion de distinguer le vocabulaire qu’il est nécessaire d’utiliser pour faire un bref résumé d’expériences. • Variation de température lorsque la pression change. • Évolution de la pression dans un fluide suivant l’épaisseur surmontant le capteur. Il peut être aussi nécessaire d’expérimenter sur la fluidité de l’air, son caractère pesant, la pression qu’il exerce, etc. suivant les acquis préexistants. Si la classe est active, la difficulté est de ne pas se laisser entraîner dans des essais supplémentaires, dans des rappels, ou encore d’opposer aux croyances une affirmation. Le risque est d’abandonner un chemin de découvertes et d’essais. Naturellement, répondre à une interrogation par des propositions d’expériences, par la réalisation de celle qui est choisie comme la plus appropriée, ne constitue pas l’unique démarche. Le même parcours expérimental que celui que nous venons d’évoquer peut former un travail de synthèse, comme il 64 La Météorologie - n° 36 - février 2002 en est demandé dans les programmes du collège, ou constituer un itinéraire expérimental de découverte de la relation entre température, pression et énergie. Il y a d’autres choix encore, mais dans tous les cas la « logique » météorologique donne un sens, une cohérence, un fil directeur, notamment par la multitude d’illustrations concrètes qu’elle offre. Bien des manipulations sont classiques au collège, mais réinscrites dans cette perspective, elles sont plus captivantes et génèrent de nouvelles questions ou propositions d’expériences. Plus d’élèves exposent leur point de vue, ce qui permet de mieux orienter le parcours des leçons et de savoir plus précisément sur quels points insister. José Chevalier présente le parc à instruments du CDM de Roissy aux stagiaires. Le stage proprement dit Pour la troisième fois, dans le cadre du plan académique de formation continue, un stage intitulé « Météorologie et sciences physiques au collège » a été proposé aux enseignants de l’académie de Versailles. À raison de deux sessions par année, il se déroule pour chacune d’elles sur deux journées, l’une au centre départemental Météo-France du Val-d’Oise à Roissy, l’autre au collège JulesFerry à Eaubonne. Ces deux journées de stage s’emploient à expliquer ce qu’est de nos jours la météorologie, à démarrer un cursus de découverte et d’approfondissement des connaissances de base en météorologie, à faire prendre conscience aux enseignants qu’une pratique expérimentale simple peut permettre un accès aisé aux notions de météorologie, à faciliter l’animation d’un cours de sciences au collège, enfin à montrer les possibilités de correspondance entre programmes scolaires et météorologie. En résumé, il s’agit de faire émerger le rôle intégrateur de la météorologie. Dans la salle d’exploitation du CDM, avec vue panoramique sur les pistes de l’aéroport Charles-de-Gaulle. 65 La Météorologie - n° 36 - février 2002 La première journée du stage se déroule à Roissy. Le matin donne lieu à une présentation de Météo-France et du centre départemental du Val-d’Oise, puis à un exposé présentant quelques rudiments de dynamique atmosphérique. On explique ensuite les mesures météo au sol avec une visite du parc à instruments, les mesures en altitude (sondage, télédétection), l’observation humaine, la circulation des informations météorologiques, les modèles numériques et le poste de travail du prévisionniste avec une visite de la salle d’exploitation. L’après-midi, en s’appuyant sur la situation météorologique du jour, quelques notions de thermodynamique et de dynamique verticale sont rappelées pour une brève introduction à l’émagramme et à la lecture de la relation entre vent, pression et température sur les cartes ; il est alors possible d’expliquer les cartes d’analyse en surface et en altitude, mais aussi les prévisions en sortie de modèle numérique. Tout le cheminement cherche à montrer la chaîne météorologique qui va de la mesure à l’élaboration de la prévision du temps pour les différentes échéances. C’est aussi l’occasion pour les enseignants d’apprécier l’intérêt de la visite d’un centre Météo-France avec une classe(1), visite d’autant plus fructueuse qu’elle pourra être précédée d’un travail préparatoire. José Chevalier explique aux enseignants les images radar sur un terminal Météotel. La deuxième journée du stage se déroule à Eaubonne. Le foisonnement des possibilités offertes par des manipulations(2) aussi simples qu’économiques et le grand nombre de possibilités expérimentales nous ont conduits à adopter une présentation un peu didactique ; cette journée prend ainsi la forme d’une petite initiation à la météorologie générale par l’expérience. Nous essayons de concilier deux exigences : retenir le maximum de pratiques expérimentales et aborder l’ensemble des principaux phénomènes à l’œuvre dans l’atmosphère (et abordés dans les programmes du collège). Pendant que chaque stagiaire réalise personnellement une manipulation, une expérimentation demandant une mise en œuvre plus longue ou un matériel plus important se déroule sur l’estrade. Ainsi, sont envisagés successivement, dans une cinquantaine de manipulations, le rayonnement, l’énergie et son inégale répartition, les échanges d’énergie, le cycle de l’eau atmosphérique et la chaleur latente, des notions d’aérologie et de dynamique atmosphérique, les couleurs du ciel et les photométéores, etc. Le principe de la mesure des différents paramètres est abordé au fil du parcours. Inutile de préciser que la journée ne laisse pas le loisir d’aller en profondeur, mais l’objectif en matière de météorologie est de procurer une première vue globale et un bagage de mise en route. Cycle de l’eau, pression et température vus par Yves Corboz en quelques dessins. Un autre aspect pris en compte au cours du stage porte sur les expériences pédagogiques en matière de météorologie et de climatologie, sur les possibilités de formation et d’information, ainsi que sur les matériels existants. Dans certaines écoles, la (1) Le CDM Météo-France du Val-d'Oise accueille plusieurs dizaines de classes chaque année, ainsi que de nombreux élèves en stage. (2) Voir le site Internet Educnet, météorologie et enseignement, à l'adresse : [www.educnet.education.fr/meteo/] 66 La Météorologie - n° 36 - février 2002 Manipulations expérimentales des stagiaires… … et du professeur. conduite d’ateliers scientifiques et de clubs météo permet d’effectuer, voire d’approfondir, l’ensemble des manipulations présentées, mais également de prendre le temps de confectionner le matériel, de le perfectionner et même de concevoir du « neuf ». Naturellement, nous rendons compte de la liaison possible entre le CM2 et le collège : il s’agit de recevoir trois classes de CM2 pour une pratique expérimentale dont le fil directeur est l’actualité météorologique. Chaque classe vient pendant un trimestre, à raison de deux heures par semaine. Des collégiens volontaires, issus de l’ensemble des classes, y compris la sixième(1), servent de moniteurs. Les maîtresses, qui accompagnent leurs élèves de CM2, se chargent d’exploiter le travail expérimental à leur retour à l’école primaire. Elles reçoivent dans leur classe José Chevalier, de Météo-France, chargé de l’animation en milieu scolaire. Nous rappelons que cette activité a été récompensée par le prix Perrin de Brichambaut 1997 de la Société météorologique de France(2), aussi bien pour les jeunes élèves de CM2 que pour les collégiens du club météo-sciences qui assuraient préparation et logistique. C’est le moment de souligner combien ces situations d’échange entre maîtres d’école, professeurs de collège et professionnels de la météo assurent un enrichissement mutuel lorsque le projet a le temps de vivre. Les enseignants apportent, avec leur connaissance des enfants, l’évaluation de ce qu’il est possible d’attendre et de transmettre à chaque niveau ; le météorologiste fait entrer un univers nouveau, un métier, une pratique scientifique et une relation concrète aux phénomènes de la nature. Ainsi le cours de physique a gagné en diversité et en illustrations vivantes, ainsi l’intervention du météorologiste auprès des jeunes a été mieux ciblée et s’est enrichie de nouvelles activités pratiques. Même en CM2, l’expérimentation est une voie royale d’accès à la connaissance scientifique. D’autres possibilités autorisées par le thème météorologique sont les travaux pluridisciplinaires, demandés dans les directives scolaires sous les vocables de parcours diversifiés, d’activités croisées, de travaux coordonnés... De quoi parlet-on dans les conversations les plus réduites ? De la pluie et du beau temps. Alors, quand les éléments font parler d’eux, les sujets de correspondance et de découverte ne risquent pas de manquer, surtout que les débordements tout comme le cours ordinaire de la nature sont loin d’être les mêmes partout à la surface du globe. D’autres animations relèvent également de la pluridisciplinarité : – un concours de photos de nuages (personnelles ou extraites de revues), accompagnées d’une légende, sollicitera le professeur d’arts plastiques, comme celui de géographie, de physique et même de français... ; – pour désigner la meilleure girouette, la meilleure manche à air…, l’enseignant de technologie devra se joindre au jury précédent ; – mais cela ne se limite pas à des « objets » techniques : poésies, textes ou sculptures peuvent traduire l’émotion suscitée par l’avalanche, le printemps ou n’importe quel phénomène météorologique. (1) Il n'y a pas de physique au programme de sixième, mais les élèves peuvent ainsi retrouver d'une autre manière l'itinéraire parcouru en CM2 l'année précédente. (2) Voir La Météorologie 8e série, n° 21, mars 1998, p. 6-7. La Météorologie - n° 36 - février 2002 67 Très fertile est aussi le suivi de l’actualité météorologique au travers de la presse. Dans le couloir, à l’entrée des salles de sciences, toutes les informations en relation avec le temps présent et le climat sont affichées. Les interrogations qu’elles provoquent concernent tous les domaines et toutes les disciplines : rigueur de la vulgarisation scientifique, ensemble des problèmes de l’information, grandes questions climatiques, nature d’un phénomène, etc. Les informations ainsi rassemblées sont triées et celles ayant un caractère général ou relatant des événements exceptionnels alimentent différents dossiers (eau, air, prévision, climatologie...). Des élèves du club météo présentent ensuite la station météo automatique du collège Jules-Ferry et les possibilités d’exploitation offertes par l’ordinateur. Ils montrent également leur contribution aux pages du dossier « Expériences simples de sciences physiques » pour le site « Météorologie et enseignement » d’Educnet ; cependant, nous n’insistons pas sur ces aspects car ils exigent des moyens dont il est rare de disposer lorsqu’une animation météo se met en place et ne sont profitables que s’ils prolongent et développent des connaissances de base déjà clairement acquises. La documentation, pour parfaire les acquis du stage. Bilan et conclusion Cet aperçu du contenu du stage serait incomplet si nous ne mentionnions pas la documentation remise aux stagiaires. L’essentiel de chaque point envisagé est expliqué, soit dans une fiche, soit dans un petit dossier. Cela va de la table psychrométrique aux indications permettant de construire un abri simplifié, de la notion de front à celle de courant-jet. Un essai de correspondance entre programme de physique, notions de météorologie et manipulations possibles est distribué à la fin de la première journée comme préparatif à la seconde. Une bibliographie choisie et des références de matériel météo complètent l’ensemble. La fréquentation toujours maximale des capacités d’accueil du stage, les réactions recueillies durant ses deux années d’existence ainsi que les retours ultérieurs nous laissent penser que la mise en place de ce stage répond à une réelle demande et nous permettent d’espérer des améliorations. Deux remarques s’imposent : • Si l’intitulé de la formation tout comme sa conception font référence aux sciences physiques, elle doit néanmoins parfaitement convenir aux enseignants d’autres disciplines désireux d’acquérir des connaissances en météorologie. Nous pensons particulièrement aux professeurs de géographie, de mathématiques, de sciences de la vie et de la Terre, de technologie. Bien sûr, un autre type de stage, plus orienté sur le rôle et la nature pluridisciplinaires que tiennent climatologie et météorologie, aurait toute sa raison d’être. • Si cette formation a pu être mise en place, nous le devons à des volontés, des encouragements, des soutiens, des structures qui ont rendu possible un travail de longue haleine. Il faut souligner en particulier le rôle décisif joué par M. Partouche, à l’époque principal du collège Jules-Ferry à Eaubonne, par M. Monceau, responsable du CDM Météo-France du Val-d’Oise à Roissy, ainsi que par M. Marcaillou, inspecteur pédagogique régional de physique. Outre les satisfactions réelles tirées de cette « aventure », les auteurs ont ainsi pu bénéficier du rôle de formation et d’ouverture de la météorologie. 䡲